Ni sœur, ni pute
J’ai un ami de longue date qui a longtemps été amoureux de moi, quand on était plus jeunes. Je l’ai éconduit plusieurs années.
Nos chemins se sont éloignés, nous ne nous sommes pas côtoyés pendant une bonne décennie avant de nous retrouver autour d'une bière il y a 2 ans. On en a fait un rituel. On se retrouve une fois par an, le mois de nos anniversaires.
Cette année il m’a sollicitée plus tôt. Il a fini par m’expliquer qu’il venait d’être quitté par sa femme.
Ça m’a plongée instantanément dans une méfiance dont la brutalité m’a questionnée, alors que nos précédentes entrevues s’étaient tenues dans une douce tranquillité.
Alors j’ai cherché à comprendre d'où pouvait me venir ce sentiment. J’en ai eu des amis proches, et la plupart ne sont plus près de moi aujourd’hui. Comment se sont elles terminées, les amitiés avec les hommes dans ma vie?
Il y a ceux qui m’appelaient "petite sœur" et qui ont fini par me demander de leur tailler une pipe au détour d’une soirée.
Il y a ceux qui m’ont réveillée au milieu de la nuit parce qu’ils avaient posé leur main sur mon sein pendant que je dormais. Je suis devenue la personne la plus détestable du monde quand j’ai fini par leur dire non plus fort que d’habitude.
Il y a ceux qui ont rompu tout contact une fois que je leur ai annoncé ma séparation, comme s’ils ne pouvaient plus me parler si je n’appartenais pas à un autre mâle.
Il y a tous ceux avec qui je n’ai jamais pu tisser d’amitié parce qu’ils n’étaient pas capables de voir autre chose que mon cul.
Il y a tous ceux qui se sont jetés sur l’occasion une fois que j'ai été libre, quel que soit leur propre statut marital.
Pour ceux là, certains ont quand même fini dans mon lit avant de disparaître:
Il y a celui dont la femme m'a tabassée, furieuse que son mec ne soit pas capable de tenir sa queue. Ce soir là, j’ai aussi croisé le chemin de mon père. Il m’a ramassée, et m’a amenée chez l'homme pour qui je venais de gagner un coquard sans même se poser de questions. Double peine.
Puis il y a celui, infidèle chronique, qui chialait son incompréhension face au malheur conjugal de sa femme, du fond du lit dans lequel il venait de me baiser.
Tu m'étonnes que je me méfie...
J’ai lu assez de bouquins féministes pour savoir que j’ai grandi dans une société qui place la femme au rang d’objet sexuel mais je ne peux m’empêcher de me demander comment j’ai participé à ça.
J’ai toujours eu à cœur de croire à l’amitié homme femme, à la possibilité d’un lien en dehors du familial et du sexuel entre deux personnes de sexe opposé.
Peut être parce que je me suis toujours sentie plus à l’aise avec les hommes.
Parce que les relations de ce côté là du genre m’ont toujours parues plus simples.
Je me rend compte aujourd’hui que ces choix là aussi ont été biaisés par une société qui cherche à codifier le comportement d'individus selon ce qu’ils ont entre les jambes.
Un mec c'est cool, pas prise de tête, ça a des sujets de conversation profonds et ça s'amuse sans filtre.
Une fille c'est jaloux, hypocrite, manipulateur et superficiel.
Tu m'étonnes que je me retrouvais plus dans la première catégorie, m'éloignant de mon propre genre poussée par les préjugés qu'on m'a inscrits dans le crâne dès le plus jeune âge.
J’ai toujours idéalisé ces amitiés avec les hommes. Peut être parce que j’ai toujours eu besoin de trouver ailleurs une relation fraternelle que je n’arrivais pas à établir dans les liens du sang.
Sauf qu’à trop idéaliser, on a vite fait de finir dans le déni.