Créations
Parfois l'horizon se déploie derrière
Et parfois je ne récolte que des échardes
Échardes dans les mains
Échardes dans le crâne
Échardes dans le cœur
Dans les yeux sous les ongles
Je me vautre
Et je recommence
Plutôt les échardes que la prison ou l'exil
J'ai des hématomes
Des égratignures
Comme une gamine de cinq ans
Qui court
Qui tombe
Qui se relève
Parce qu'elle vit
J'ouvre la vie au pied de biche
Ça fait du boucan
Ça fout le bordel
C'est que je ne suis pas facile à vivre
C'est que je ne vis pas facilement
Mais plutôt cela que piétiner sur le seuil
Je ne tiens pas en place
Je ne comprends pas ceux qui s'en contentent
Du seuil
Je ne supporte pas comment on parle aux fous
Les insultes et le mépris
Alors je leur parle avec douceur
Je les écoute
Même si ça ne veut rien dire
Ils parlent une langue étrangère
Autrefois on aurait pu croire
Qu'ils étaient habités des dieux
Il y a longtemps
Que leurs délires étaient des oracles
On ne comprend jamais la langue des dieux
Ou toujours trop tard
Quand j'oublie de cueillir des fleurs sur le chemin
Je me sens endeuillée
J'aurais dû
L'éclat des pétales en persistance rétinienne
Cette corolle mauve
Cette fulgurance jaune d'or dans les terre-pleins
Que l'on piétine sans les voir
Je les aurais encloses dans un bouquin
Elles auraient gardé leurs couleurs de printemps
Elles n'auraient pas été oubliées
Elles auraient rappelé l'espoir
Quand la grisaille et le froid rongent nos âmes
Je les ai oubliées
J'ai les larmes aux yeux des fleurs que j'ai oublié de cueillir
Je marche en funambule
Tout près de la folie
Je ne tombe pas
Je ne suis pas saine non plus
Il y a un monde où je suis un cas clinique
Avec des molécules pour que je ne me fasse pas trop mal en tombant
Mes mots qui bégayent
L'impossibilité de parler clairement
Une pelote de foutoir à démêler
Une toile d'araignée roulée en boule au fond du placard
Pour apprendre à ne plus pleurer pour des fleurs
J'ai toujours été trop sensible
Il paraît
Il y a un monde où j'écris
Parfois ça fait pleurer les gens
On me dit que c'est beau
Que c'est limpide
Aussi limpide que ma parole est engourdie
Inaudible
Charabia
J'ai lu trop de livres
J'en attends trop de la vie
Je devrais me satisfaire
Small talk essentiel :
Ohlala, il fait si gris aujourd'hui !
— C'est les incendies au Canada.
Qu'elle est jolie ta veste en cuir vegan
On ne dit plus sky simili-cuir
Ou plastique
Même si c'est pareil
Cousue à la chaîne dans des ateliers minables de pays abîmés
Née de la cuve et du détergent
Elle te va bien cette veste
Tu as bon goût
Pourquoi les gens sont si agressifs ?
— C'est qu'ils vont mal ils sont en colère
Moi je suis en colère tout le temps
Il y a un monde où je suis une guerrière révoltée
Il y a un monde où je suis têtue obstinée et pénible
Où j'emmerde le monde
Je ne veux pas emmerder le monde
Mais quand même
C'est insupportable
Avoir un avis sur tout
La géopolitique en combat entre les gentils et les méchants
Le décompte des morts
La comparaison numérique
Ceux qui ne se sentent pas à l'aise dans leur corps
A qui on reproche d'exagérer
De fouler aux pieds les valeurs arbitraires
La croissance l'économie le travail famille patrie
Ceux qui veulent grand-remplacer le grand-remplacement par leurs gènes
Blancs
Au nom de valeurs d'un roman national simpliste
Et pas du tout documenté
Ceux-là qui me reprochent de ne pas fonder une famille
Moi qui ai les bons chromosomes
Selon eux
La peau blanche les yeux clairs
Mes ancêtres les gaulois
Foutaises
Je ne fonde pas une famille
Enfin pas biologique
Je fonde une famille de différences
Tant pis pour les chromosomes
Il y en a toujours d'autres
Plein
Et des bien
De toutes les couleurs
Je crache dans mon devoir de femme
Mon ventre reste vide
Mes poumons pleins de fumée
On me dit que je suis égoïste
J'ouvre la vie au pied de biche
Sinon j'asphyxie
J'ai des bleus et des échardes partout
Je cherche la poésie
Je cherche le roman
Il y a un monde où je suis une artiste qui rappelle
Qu'il est bon de pleurer pour des fleurs
Il y a un monde où je prends des médicaments
Pour les oublier
Parce qu'il paraît qu'on ne peut pas vivre
Si on pleure tout le temps.
INCIPIT, subst. masc. inv. : Premiers mots d'un manuscrit, d'un texte ; début d'une œuvre musicale. En référence à la locution latine que l'on trouve au début des manuscrits latin du Moyen Âge : incipit liber « ici commence le livre ».
Voici les premières lignes d'une histoire qui se racontera quand les joueuses et les joueurs s'en empareront. Elle est incomplète. Personne n'en connaîtra jamais toutes les versions.
Le village est niché au fond d'un val escarpé creusé par la rivière qui le traverse toujours. Coincé entre des falaises et une forêt immémoriale, il n'est pas tout à fait reclus, mais reste d'un accès difficile. Il a survécu à bien des bouleversements, des guerres et des révolutions. La dernière en date, cependant, a presque eu raison de lui. L'exode. Tant de familles l'ont quitté pour la grande ville, toute proche et si lointaine. Pourtant, une fois de plus, la source pourrait le sauver encore.
La tempête fait rage plusieurs jours. Alternant pluies diluviennes, froid mordant, neiges soudaines et tornades. Une apocalypse. Arbres arrachés. Crue de la rivière. Destruction du pont. Routes et communications coupées. Réseau électrique défaillant. Le village se réveille hors du monde et découvre l'horreur d'un corps mutilé, comme dévoré par une bête immonde.
Les personnages sont la Loi, la Mémoire, la Cheville ouvrière, l'Enfant prodigue, la Vieille fortune. Arc narratif de quelques sessions, s'appuyant sur Rooted in Trophy, il explore les relations entre les locaux, autant que les mystères horrifiques qui entourent le village. Il puise son inspiration dans l'horreur folklorique et nordique. Un lieu isolé, des personnages qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes, des histoires anciennes.